COVID-19 : CETTE « MYOPIE AU DÉSASTRE » QUI DÉGRADE NOS CAPACITÉS DE RÉPONSE AUX CRISES

The conversation, 08/04/2020 - Auteurs: Pauline Gandré et Camille Cornand

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Les pandémies, comme celle que nous connaissons actuellement, sont des événements rares aux conséquences dramatiques, à l’instar des crises financières ou des catastrophes naturelles. En dépit de leur récurrence au cours de l’histoire humaine, leur survenue révèle bien souvent un manque de préparation frappant.

La science économique, qui analyse le manque de préparation aux crises financières, peut éclairer a posteriori la crise sanitaire actuelle, en se centrant sur l’hypothèse de myopie au désastre.

L’hypothèse de « myopie au désastre » a été développée pour la première fois en 1986 par les économistes Jack Guttentag et Richard Herring pour analyser les crises bancaires.

Elle correspond à « la tendance au fil du temps à sous-estimer la probabilité de chocs peu fréquents » dans un environnement incertain, où le risque n’est pas probabilisable, en raison de sa faible fréquence et d’une structure causale qui varie dans le temps.


À la frontière entre économie et psychologie

 

La sous-estimation de la probabilité d’événements rares est la conséquence de biais de perception qui résultent de deux règles empiriques (ou « heuristiques ») utilisées par les individus, et notamment les décideurs publics, en situation d’incertitude.

La première consiste pour les individus à estimer la probabilité de survenue d’un événement en fonction de la disponibilité avec laquelle des événements similaires se présentent à leur mémoire. Elle implique que, plus la survenue d’un événement extrême s’éloigne dans le temps, plus la probabilité subjective qui lui est attribuée est faible...

 

 

Sur les marchés financiers, des biais de perception conduisent les individus à minimiser

la probabilité que des événements rares ne se produisent. Johannes Eisele/AFP

 

 

La deuxième consiste à attribuer une probabilité nulle à un événement dès lors que sa probabilité subjective atteint un seuil minimal, dans un contexte où l’attention d’un individu n’est pas illimitée et doit donc être répartie. Ces opérations mentales ont été mises en évidence empiriquement, notamment par des psychologues et économistes comportementaux.

Ce mécanisme d’amnésie conduit alors à une hausse de la prise de risque. Même si des signaux d’alerte apparaissent, ils rentrent en contradiction avec les croyances des individus, qui vont dès lors les ignorer ; c’est ce que l’on appelle la « dissonance cognitive ». En résulte une impréparation à la survenue d’un événement rare mais extrême, qui rend ses conséquences d’autant plus dramatiques.

Comme l’ont décrit Guttentag et Herring pour les crises bancaires internationales des années 1980, la myopie au désastre peut expliquer la sous-estimation du risque et son corollaire : une prise de risque accrue, dans les périodes précédant l’éclatement de la crise...

 

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